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jeudi 25 mai 2017

Itinerrance

Colombier, le 7.07.2016

Le manoir du Pontet

Dans sa correspondance fournie à Isabelle de Charrière, Benjamin Constant écrit le 21 février 1788 : "Tant que vous vivrez, tant que je vivrai, je me dirai toujours, dans quelque situation que je me trouve : Il y a un Colombier dans le monde. Avant de vous connaître je me disais : Si on me tourmente trop, je me tuerai. A présent je me dis : Si on me rend la vie trop dure, j’ai une retraite à Colombier."

Il fait 30°
Vous êtes à Yverdon, toujours à pied. Vous vous informez du trajet en train pour Colombier. Vous n'avez pas le choix vous devez aller jusqu'à Neuchâtel, puis prendre un régional qui revient en arrière. Si vous voulez un peu plus de détails, une dame de l'office de tourisme derrière son écran, vous signifie avec un certain dédain, que cela ne la concerne pas. Colombier est dans un autre canton
Vous sortez de la gare du lieu-dit, vous n'avez plus qu'à descendre jusqu'au chemin du Pontet, qui jouxte les remparts, au bout vous découvrez le manoir.

La gentilhommière a plusieurs ailes. Droit devant, vous passez une porte cochère sous une galerie, soutenue par un pilier déployé en deux branches. Au centre de la cour intérieure prône un immense tilleul, dont l'odeur mielleuse se répand partout, exténuant les abeilles. Vous croyez entendre le piétinement des sabots sur les galets, et le holà ho du postillon.
Vous vous approchez de la tourelle d'escalier, au dessus de la porte une date : 1614, soit plus d'un siècle et demi avant la venue de Mme de Charrière.
Maison, communs, dépendances, tout semble habité, mais vous ne croisez personne.

En sortant de la cour à droite, vous entrez dans l'espace d'un jardin d'enfants. Se trouvent sous une tonnelle, une table à moitié desservie avec pichet, bouteille d'eau, panier, assiettes empilées, photophores, chaises métalliques, un bric à brac contemporain.
Et toujours pas de rencontre, sauf à l'écart de la table, une statuette féminine en pierre blanche.
Vous poursuivez votre découverte, tout vous semble dans un fouillis et un abandon contrôlé, friche et quelques parterres de plantes médicinales.
Vous choisissez un point de vue et à l'ombre, pour peindre à l'aquarelle, la façade en pierre jaune et la galerie suspendue, ombrée par un figuier envahissant.

Soudain, une dame affairée fait irruption dans le jardin. Elle vous salue de la tête, tout en cherchant quelque chose dans tous les coins. Elle vient vers vous : vous n'avez pas entendu une sonnerie ?
Vous lui répondez que si, sans en être certaine. Elle n'arrête pas d'aller et venir entre les différentes entrées du manoir. Vous lui proposez de l'appeler avec votre portable, et d'enregistrer son n° à la lettre A (comme alléatoire). Une dizaine de minutes plus tard, elle vous crie : je l'ai retrouvé dans mon sac oublié dans la voiture. Vous vous demandez, comment vous avez l'oreille si fine !

Un peu plus tard, c'est un chat noir, qui s'avise de laper votre eau d'aquarelle. Par acquit de conscience, vous voulez lui mettre de l'eau propre, mais il dédaigne et s'en va clopin-clopant. Lui manque une patte!

Une brise légère dans la ramée du noisetier, il est temps de partir aussi.