Colombier, le 7.07.2016
Le manoir
du Pontet
Dans
sa correspondance fournie à Isabelle de Charrière, Benjamin
Constant écrit le 21 février 1788 : "Tant que vous vivrez,
tant que je vivrai, je me dirai toujours, dans quelque situation que
je me trouve : Il y a un Colombier dans le monde. Avant de vous
connaître je me disais : Si on me tourmente trop, je me tuerai. A
présent je me dis : Si on me rend la vie trop dure, j’ai une
retraite à Colombier."
Il fait 30°
Vous êtes à
Yverdon, toujours à pied. Vous vous informez du trajet en train pour
Colombier. Vous n'avez pas le choix vous devez aller jusqu'à
Neuchâtel, puis prendre un régional qui revient en arrière. Si
vous voulez un peu plus de détails, une dame de l'office de tourisme
derrière son écran, vous signifie avec un certain dédain, que
cela ne la concerne pas. Colombier est dans un autre canton
Vous sortez de la
gare du lieu-dit, vous n'avez plus qu'à descendre jusqu'au chemin du
Pontet, qui jouxte les remparts, au bout vous découvrez le manoir.
La gentilhommière
a plusieurs ailes. Droit devant, vous passez une porte cochère sous
une galerie, soutenue par un pilier déployé en deux branches. Au
centre de la cour intérieure prône un immense tilleul, dont l'odeur
mielleuse se répand partout, exténuant les abeilles. Vous croyez
entendre le piétinement des sabots sur les galets, et le holà ho du
postillon.
Vous vous
approchez de la tourelle d'escalier, au dessus de la porte une date :
1614, soit plus d'un siècle et demi avant la venue de Mme de
Charrière.
Maison, communs,
dépendances, tout semble habité, mais vous ne croisez personne.
En sortant de la
cour à droite, vous entrez dans l'espace d'un jardin d'enfants. Se
trouvent sous une tonnelle, une table à moitié desservie avec
pichet, bouteille d'eau, panier, assiettes empilées, photophores,
chaises métalliques, un bric à brac contemporain.
Et toujours pas de
rencontre, sauf à l'écart de la table, une statuette féminine en
pierre blanche.
Vous poursuivez
votre découverte, tout vous semble dans un fouillis et un abandon
contrôlé, friche et quelques parterres de plantes médicinales.
Vous choisissez un
point de vue et à l'ombre, pour peindre à l'aquarelle, la façade
en pierre jaune et la galerie suspendue, ombrée par un figuier
envahissant.
Soudain, une dame
affairée fait irruption dans le jardin. Elle vous salue de la tête,
tout en cherchant quelque chose dans tous les coins. Elle vient vers
vous : vous n'avez pas entendu une sonnerie ?
Vous lui répondez
que si, sans en être certaine. Elle n'arrête pas d'aller et venir
entre les différentes entrées du manoir. Vous lui proposez de
l'appeler avec votre portable, et d'enregistrer son n° à la lettre
A (comme alléatoire). Une dizaine de minutes plus tard, elle vous
crie : je l'ai retrouvé dans mon sac oublié dans la voiture. Vous
vous demandez, comment vous avez l'oreille si fine !
Un peu plus tard,
c'est un chat noir, qui s'avise de laper votre eau d'aquarelle. Par
acquit de conscience, vous voulez lui mettre de l'eau propre, mais il
dédaigne et s'en va clopin-clopant. Lui manque une patte!
Une brise légère
dans la ramée du noisetier, il est temps de partir aussi.
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