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dimanche 30 avril 2017

Machin Machine

Machin, machine

Il est 13h05, vous attendez le train Allaman-Villeneuve pour descendre à Vevey. Vous êtes sur la voie trois à la gare de Morges.
Au-delà sur une voie de garage, un attelage de wagons de fret, rempli de matériaux inertes avec deux citernes, est poussé par une locomotive rouge. Un cheminot en vêtement fluo orange, casqué coordonne au sol l'avancée du train vers deux motrices vertes accouplées. C'est un saboteur !
Tantôt, il s'infiltre entre deux wagons pour les relier, tantôt il glisse une sorte de patin (le sabot) sur le rail pour freiner le chargement. Il lui faut beaucoup d'adresse, de sang-froid et de force physique pour un tel travail.
Crissement, cliquetis, martèlement, grésillement du talkie-walkie, passage violent d'autres trains, constituent son environnement sonore. Peu de femmes dans ce monde machi(ni)ste, pour dire que les mâles aiment le fer... malgré le genderqueer.
Soudain un coup de sifflet, pas de train stationné, mais sur le quai quatre, un étrange monsieur suit les faits et les gestes de l'ouvrier (tout comme moi), sautillant de long en large (tandis que je suis debout), et balayant ses bras à droite, à gauche pour faire circuler un train fantôme. Un dernier coup de sifflet, notre chef de gare disparait sous une voie.

Près de moi, assis sur un banc un jeune homme au style estudiantin visionne en souriant son i-phone. Il a appuyé à un pilier son skate à une roue. Évidemment si vous aviez suivi la trilogie Retour vers le Futur, vous connaitriez l'hoverboard (planche électrique, avec capteurs pour suivre vos mouvements) ! De là, à le pratiquer ...
Pas de haut parleur cette fois, pour un passage de train ou d'entrer en gare, à peine un ralentissement chuinté qui nous fait tourner la tête ensemble et nous précipite.
Du haut de sa cabine de pilotage, le conducteur semble nous narguer. Sa machine toute puissante fuit devant nous. Vous éclatez de rire, tandis que le garçon stoïque vous lance :
"Bon, de toute façon, il y en a des tas d'autres!", tout en reprenant sa lecture visuelle et son écriture tactile.

Un peu plus tard dans le compartiment, vous êtes assis face à un homme. Il a l'air d'un manouche, son teint est basané, ou plutôt bronzé. Sa tenue vestimentaire est décontractée, basket et sac à dos. Il en sort un objet que vous prenez d'abord pour un livre. La couverture est faite de deux planchettes en bois reliées par une broderie au crochet. Vous vous apercevez, qu'il s'agit d'un i-pad pris en sandwich. Comme la curiosité vous titille (vous n'avez jamais vu ça!) vous lui demandez la provenance de l'objet ?
"Je l'ai fabriqué moi-même, dans de l'iroko", dit-il en le posant verticalement sur la tablette à côté des sièges. Vous voyez, qu'il lui manque une phalange à la main droite.
"Comme ça, il ne peut pas m'échapper des mains. Sinon ces appareils en plastique glissent comme des poissons, et se retrouvent au fond du wagon. Le mien, je lui évite les chocs. Et puis, je peux facilement me selfier !" tout en posant devant son bijou techno artisanal.
Vous apprenez qu'il habite depuis plus de 60 ans à Lausanne, qu'il est menuisier retraité, et qu'il l'emmène en balade partout, son doudou d'i-pad !





















St-Sulpice, le 29 avril 2017 Chantal Quéhen







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